Interviews et conférences de presse

Dans cette situation, le conflit du Karabakh a une solution: le principe de «Sésession- remède» Entretien du Premier ministre à Libération

16.10.2020

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a accordé un entretien au journal français Libération, dont la traduction est présentée ci-dessous.

Libération – M. Premier ministre,pourquoi le cessez-le-feu n'a-t-il pas fonctionné ?

Premier ministre Nikol Pashinyan – L'Azerbaïdjan a refusé le cessez-le-feu, même si ce statut a été adopté conjointement avec l'Arménie. C'était évident que la Turquie n'autoriserait pas l'Azerbaïdjan à maintenir et respecter l'accord. Durant les négociations, le président de la Turquie a déclaré qu'ils ne souhaitaient pas que l'Azerbaïdjan arrêt les combats. Sans l'intervention turque, ce conflit n'aurait pas débuté. C'est la Turquie qui a encouragé l'Azerbaïdjan à attaquer. Les unités turques ont participé et participent aux attaques. Le commandement est constitué de militaires turcs haut gradés. C'est la Turquie qui a transporté des mercenaires et des terroristes venus de Syrie jusqu'à la zone du conflit au Haut-Karabakh et les a engagés pour les offensives. Ce n'est pas une coïncidence. Tout cela doit être appréhendé dans un contexte où la Turquie s'implante autour de la Méditerranée, en Syrie, en Irak, en Libye, et d'une certaine manière, en Grèce et à Chypre. C'est une politique impérialiste. La Turquie est essentiellement revenue dans le sud du Caucase pour continuer sa stratégie de génocide des Arméniens. Cela vise à remplir un objectif spécifique puisque les Arméniens sont le dernier rempart dans le sud du Caucase sur la route de la Turquie pour une expansion continue vers le sud et l'est.

Libération – La porte-parole de votre ministère de la Défense, Shushan Stepanian, a déclaré le 9 octobre 2020 que l'armée du Haut-Karabakh avait «suffisamment de cibles militaires près de la ligne de front». Pourquoi attaquer Ganja, en Azerbaïdjan, pendant le cessez-le-feu, au risque de cibler aussi des civils ?

Premier ministre Nikol Pashinyan – Vous dites «pendant le cessezle-feu», mais il n'y a jamais eu de cessez-le-feu. Au contraire, Stepanakert et les autres villages ont été bombardés deux fois plus qu'avant à partir du moment où la trêve a été négociée. De toute manière, même après les discours des pays membres du groupe de Minsk, il était impossible d'arrêter les tirs de roquette sur les bâtiments civils, les maisons, les villes. L'armée du Haut-Karabakh a donc décidé de répondre. A suite de quoi les bombardements sur Stepanakert se sont arrêtés. En tout cas, dans les quelques jours qui ont suivi.

Libération – Est-ce que c'est pour cela que vous avez encore appelé récemment les volontaires à rejoindre le front?

Premier ministre Nikol Pashinyan – Oui. Ce n'est pas qu'une guerre politique. C'est une tentative de génocide du peuple arménien. Nous devons nous défendre nous-mêmes, comme toute nation qui est menacée d'extermination. En particulier maintenant, nous voyons qu'il n'y a qu'une issue au conflit: le principe de «Sésession- remède». Il n'y a pas d'autre possibilité. Sinon les Arméniens devront faire face à un nettoyage ethnique dans les zones contrôlées par l'Azerbaïdjan.

Libération – Qu'attendez-vous de la Russie ?

Premier ministre Nikol Pashinyan – La Russie est le partenaire stratégique de l'Arménie. C'est aussi un des pays membres de l'Organisation du traité de sécurité collective, et du groupe de Minsk de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Nous espérons que la Russie va prendre des mesures plus efficaces et concrets pour arrêter cette offensive azerbaïdjanaise et turque. Je pense que les autres pays membres du groupe de Minsk et de la communauté internationale devraient aider la Russie à atteindre cet objectif.

Libération – Et qu'attendez-vous de la France ?

Premier ministre Nikol Pashinyan - La même chose que de la Russie, même si la Russie a plus d'outils et d'influence dans la région. La France devrait fournir les mêmes efforts et encourager la Russie dans cette stratégie.

Libération – Trente ans après le début du conflit, l'Arménie accepterait-elle une négociation, et à quelles conditions ?

Premier ministre Nikol Pashinyan – Nous sommes parvenus à cet accord à Moscou. Cela montre parfaitement que nous sommes prêts à négocier. Si c'était seulement la question du Haut-Karabakh, les négociations auraient déjà commencé avec la médiation d'un ou plusieurs membres du groupe de Minsk. Mais c'est la Turquie qui empêche les négociations, et poursuit son objectif d'établir son influence dans la région.


 

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