Communiqués de presse

Le Premier ministre Pashinyan a prononcé un discours dans le cadre du "Forum de Paris sur la Paix" et a répondu aux questions des participants à la table ronde

10.11.2023

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Le Premier ministre Nikol Pashinyan a participé à la table ronde sur « La coopération dans les conditions de rivalité, la construction de la paix et d’un monde plus sûr » avec le Premier ministre de Géorgie Irakli Garibashvili dans le cadre de la 6ème édition du Forum de Paris sur la Paix.

Le Premier ministre Pashinyan a prononcé un discours dans lequel il a notamment déclaré:

"Honorable Premier Ministre Garibashvili,
Cher Modérateur,
Chers participants à la 6ème édition du Forum de Paris sur la Paix.

Tout d’abord, je voudrais exprimer ma gratitude au Président Macron pour la merveilleuse organisation du Forum, sa chaleureuse hospitalité et son invitation.

L’un des piliers des documents du Forum est que deux milliards de personnes dans le monde vivent dans des zones touchées par des conflits. Du point de vue de la République d’Arménie, il serait plus précis d’écrire cette phrase comme suit: à la suite de nettoyages ethniques, plus de 500 000 Arméniens n’ont plus la possibilité de vivre dans leur patrie.

500 000, c’est le nombre d’Arméniens qui ont été déplacés de force d’Azerbaïdjan et sont devenus des réfugiés à la suite du nettoyage ethnique. Environ 360 000 d’entre eux ont été déplacés de force d’Azerbaïdjan depuis le début des années 90, à la suite des massacres de Soumgaït et de Bakou et de l’arménophobie. Depuis lors, l’arménophobie est la politique de l’État en Azerbaïdjan.

Avant cela, sous l’Union soviétique, en raison de pressions administratives et psychologiques, les Arméniens ont dû quitter le Nakhitchevan et de nombreuses autres régions de l’Azerbaïdjan.

Environ 26 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabakh pendant la guerre de 44 jours de 2020. Et à la suite de l’attaque à grande échelle et du nettoyage ethnique perpétrés par l’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh le 19 septembre, environ 105 000 Arméniens ont été contraints de quitter le Haut-Karabakh en l’espace d’une semaine.

Depuis longtemps, nous avons alerté la communauté internationale sur le fait qu’une telle perspective devenait de plus en plus réaliste, en particulier après le blocage illégal du corridor de Lachin en décembre 2022.

Mais la communauté internationale n’a pas pris de mesures adéquates et nous ne pouvons pas blâmer ceux qui affirment que le déplacement forcé des Arméniens du Haut-Karabakh a eu lieu avec l’accord silencieux ou en coulisses de certains acteurs internationaux.

Néanmoins, chers participants, je ne suis pas venu à ce Forum pour la paix pour parler de la guerre. Je suis venu parler de paix, même si l’Azerbaïdjan a commencé à appeler la République d’Arménie « Azerbaïdjan occidental » après avoir mis en œuvre le minimum de son plan de nettoyage arménien.

Le concept de ce qu’on appelle l’Azerbaïdjan occidental, qui est un concept de préparation d’une nouvelle guerre contre la République d’Arménie, est propagé dans les écoles, les universités et les médias d’Azerbaïdjan.

Et tout cela malgré le fait que nous semblons proches de signer un traité de paix avec l’Azerbaïdjan, malgré le fait que les questions susmentionnées soulèvent d’importantes interrogations quant à la sincérité de l’Azerbaïdjan.

Mais cela n’ébranle pas notre engagement en faveur du programme de paix et nous espérons signer un traité de paix avec l’Azerbaïdjan dans les mois à venir, sur la base des trois principes suivants, convenus lors des négociations tenues à Bruxelles :

Principe numéro 1. L’Arménie et l’Azerbaïdjan reconnaissent pleinement l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’autre, étant entendu que le territoire de l’Arménie couvre 29 800 km2 et celui de l’Azerbaïdjan 86 600 km2.

Principe numéro 2. L’Arménie et l’Azerbaïdjan confirment leur engagement sans équivoque à l’égard de la Déclaration d’Almaty de 1991 en tant que cadre politique pour la délimitation.

Pour votre information, la déclaration d’Almaty a été signée par les 12 républiques de l’Union soviétique le 21 décembre 1991. En vertu de cette déclaration, les 12 républiques de l’ex-URSS, y compris l’Azerbaïdjan et l’Arménie, reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale, leur souveraineté, l’inviolabilité des frontières existantes, c’est-à-dire administratives, et par conséquent les frontières administratives existantes entre les républiques de l’Union soviétique deviennent des frontières d’État.

Principe n° 3. Les futurs accords de transport visant à débloquer les transports et les liaisons économiques dans la région respecteront les principes de souveraineté, de juridiction, de réciprocité et d’égalité de tous les pays.

Nous sommes parvenus à un accord sur ces principes lors des négociations avec le président de l’Azerbaïdjan à Bruxelles, et ces accords ont été consignés dans les déclarations du président du Conseil de l’UE, Charles Michel, à la suite des réunions trilatérales des 14 mai et 15 juillet 2023.

Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont également exprimé leur soutien à ces principes, ce qui est exprimé dans la déclaration quadrilatérale de Grenade signée par Charles Michel, Olaf Scholz, Emmanuel Macron et moi-même.

Et si l’Azerbaïdjan ne rejette pas ces principes, cela signifie que la signature d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan dans les mois à venir devient très réaliste. Malheureusement, le président de l’Azerbaïdjan a refusé de participer à la réunion des cinq parties à Grenade, le mois dernier.

La réunion trilatérale prévue à Bruxelles en octobre n’a pas eu lieu et je n’ai pas reçu d’invitation à la prochaine réunion de la part de Charles Michel. J’espère que nos partenaires de l’UE s’engagent à respecter leurs obligations.

Honorables participants à ce forum, notre région, le Caucase du Sud, a besoin de paix, c’est-à-dire d’une situation où tous les pays de la région vivent avec des frontières ouvertes, sont liés par des liens économiques, politiques et culturels actifs, et ont accumulé l’expérience et la tradition de résoudre tous les problèmes par les outils de la diplomatie et du dialogue.

Il sera très difficile de parvenir à une telle situation sans rouvrir les voies de communication. C’est pourquoi le gouvernement de la République d’Arménie a présenté le projet « Crossroads of Peace » (Carrefour de la paix).

Il s’agit d’un plan visant à relier nos pays régionaux, y compris l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Turquie, par des chemins de fer, des routes, des câbles, des gazoducs, des lignes électriques, ou à renforcer les connexions existantes. Comme vous le savez, nous n’avons actuellement aucune route en état de marche, ni aucun chemin de fer, câble, gazoduc ou ligne électrique en état de marche avec la Turquie ou l’Azerbaïdjan, et nous proposons de changer cette situation de manière positive.

Le projet « Crossroads of Peace » apportera également des avantages à la Géorgie et à l’Iran, notamment sur le plan bilatéral, ainsi qu’en termes de renforcement des liens avec l’Azerbaïdjan, la Turquie et l’Arménie. Les détails sont fournis dans notre brochure « Carrefour de la paix », qui vous a été distribuée, et j’espère que nous serons en mesure de mettre en œuvre le projet en tant que garantie d’une paix stable et à long terme dans notre région.

La mise en œuvre de ce projet sera bénéfique non seulement pour notre région, mais aussi pour le commerce international, la connectivité et la stabilité. J’espère pouvoir compter sur le soutien non seulement des pays de la région, mais aussi de la communauté internationale en général. Il est certain que nous nous trouvons à un carrefour très important, disons historique.

Faisons en sorte que ce soit un Carrefour de la paix".


Le Premier ministre a ensuite répondu aux questions du modérateur de la table ronde et du public.

Modérateur, conseiller spécial de l’Institut Montaigne Michel Duclos - Monsieur le Premier Ministre Pashinyan, je pense que l’occasion manquée de la réunion à Grenade vous a déçu. Certains disent que les dirigeants européens, y compris bien sûr la France, ont fait quelque chose de mal, par exemple en n’invitant pas la Turquie ou d’autres. Comment évaluez-vous ce qui s’est passé à Grenade ?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Merci. Vous savez, le fait est que la réunion de Grenade et son format ont été convenus dès le 15 juillet 2023 à Bruxelles. Il ne s’agissait donc pas de planifier une semaine, dix jours ou même un mois à l’avance.

Nous nous étions mis d’accord tous les trois, le Président Michel, le Président Aliyev et moi-même, sur ce point, et nous avions un accord préliminaire sur le format de la réunion de Grenade, qui a eu lieu, je crois, en juin. La première réunion à cinq s’y est tenue et nous sommes parvenus à un accord préliminaire sur la tenue de la prochaine réunion à cinq. Il est très important que la liste des participants ait été décidée à Grenade et que nous l’ayons ensuite réaffirmée à Bruxelles le 15 juillet.

D’ailleurs, l’annonce en a été faite publiquement. Nous ne savions pas, je n’ai pas été informé, qu’il y avait un autre ordre du jour, parce que lorsque nous nous préparions pour la réunion de Grenade, nous avions l’impression que tout était convenu. Le refus du président de l’Azerbaïdjan de participer à la réunion de Grenade, je pense, n’était pas lié à d’autres facteurs, il s’agissait simplement d’aborder une question déjà convenue.

Modérateur, Conseiller spécial de l’Institut Montaigne Michel Duclos
- Pensez-vous que l’Iran ait un plan spécifique concernant le problème entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous savons que l’Iran a clairement déclaré qu’il soutenait le processus de paix sur la base des principes de souveraineté, d’intégrité territoriale et d’indivisibilité des frontières. Il s’agit d’ailleurs des principes que j’ai mentionnés dans mes remarques introductives. Ces principes ont également été approuvés lors de la réunion tripartite de Bruxelles.

D’ailleurs, l’objectif de la réunion à Grenade était de réaffirmer les principes déjà convenus. C’est très important. Vous voyez, aujourd’hui, beaucoup de gens discutent, essaient d’évaluer la possibilité de signer un traité de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Sans exagérer, si l’Azerbaïdjan réaffirme ce qui a déjà été convenu, cela signifiera que 70 % du travail est fait. Maintenant, la nuance la plus importante est de savoir si l’Azerbaïdjan reconfirmera ce qui a déjà été convenu à Bruxelles au cours de nos négociations, et qui a été établi dans les déclarations publiques de Charles Michel.

Ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, Leyla Abdullayeva - Merci. Je suis l’ambassadrice d’Azerbaïdjan en France. Je souhaite la bienvenue aux intervenants et à vous, Monsieur le Modérateur. J’aimerais aborder la question que vous avez abordée, cher modérateur. La France s’inquiète de la soi-disant menace que l’Azerbaïdjan pourrait faire peser sur l’Arménie. Permettez-moi de souligner que cette crainte est totalement infondée, car ce que l’Azerbaïdjan a fait jusqu’à présent, c’est réaffirmer sa souveraineté sur son territoire, qui, soit dit en passant, est reconnue par la communauté internationale. En fait, nous avons obtenu ce qui appartenait à l’Azerbaïdjan en vertu du droit international. Et comme l’Azerbaïdjan l’a déjà annoncé et réaffirmé, nous sommes intéressés par la paix. Nous ne sommes pas seulement intéressés, l’Azerbaïdjan a également initié le processus de normalisation avec l’Arménie immédiatement après la fin de la guerre de 2020.

Et bien sûr, l’Azerbaïdjan soutient le dialogue direct entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Je voudrais également évoquer la réunion à Grenade et la position de l’Azerbaïdjan à cet égard. Le président azerbaïdjanais a clairement déclaré que la veille de la réunion de Grenade, la ministre française des Affaires étrangères s’est rendu en Arménie et a annoncé la décision d’armer et d’envoyer des armes à l’Arménie. Cela visait-il vraiment la paix et la normalisation des relations ? Armer l’Arménie, armer un pays à l’idéologie revancharde. D’autre part, la France allait participer à la réunion en tant que médiateur. Ainsi, le pays qui soutient publiquement l’une des parties, qui annonce publiquement la décision d’envoyer des armes et qui prétend être un médiateur. D’autre part, les dirigeants ont rejeté la participation du président turc. L’Azerbaïdjan a donné cette explication publiquement. Et je voudrais répéter la position de l’Azerbaïdjan, qui est celle de la normalisation des relations, du rétablissement d’une paix durable dans la région. La position de principe de l’Azerbaïdjan concernant le traité de paix est que ce traité doit être basé sur le droit international, la reconnaissance des frontières internationalement reconnues et la reconnaissance de la souveraineté de tous les pays de la région. Je vous remercie.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous avons entendu parler des intentions de l’Azerbaïdjan, que je considère comme positives. Mais d’un autre côté, je voudrais attirer votre attention sur la formulation croissante de l’Azerbaïdjan, qui appelle la République d’Arménie « Azerbaïdjan occidental ». Il s’agit d’un message très inquiétant et il est très important que ce discours soit soutenu par le gouvernement officiel. Mais il y a une question très simple - il n’y a pas besoin d’arguments supplémentaires. Si l’Azerbaïdjan réaffirme les trois principes sur lesquels nous sommes parvenus à un accord avec la participation du président de l’Azerbaïdjan, cela signifiera que nous pouvons continuer à aller de l’avant.

Je voudrais aborder la question de la France et de l’Arménie. Tout pays souverain a l’opportunité d’avoir une armée et d’acquérir des armes, etc.

Modérateur, conseiller spécial de l’Institut Montaigne Michel Duclos
- Chaque pays a le droit de se défendre.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Oui, j’ai dit opportunité, j’aurais dû dire droit. L’Azerbaïdjan achète également une grande quantité d’armes. Le budget de l’Azerbaïdjan pour l’acquisition d’armes est trois fois supérieur à celui de l’Arménie. Mais, en général, mon message principal est ce que j’ai déjà dit, si l’Azerbaïdjan réaffirme les trois principes qui ont déjà été convenus, cela signifiera que la conclusion d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan dans les mois à venir sera plus que réaliste. Allons de l’avant.

Question - Ma question s’adresse à vous deux. La guerre d’Israël contre le Hamas réduit l’attention portée aux développements en Ukraine et, en général, aux développements en Europe de l’Est et au-delà. Craignez-vous que les guerres dans le Caucase ne soient pas prises en compte et que le processus d’élargissement de l’UE ne s’essouffle progressivement ?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Tout d’abord, je voudrais saluer la décision de la Commission européenne, qui recommande au Conseil européen d’accorder à la Géorgie le statut de candidat. C’est très important. Je ne féliciterai pas le Premier ministre Garibashvili maintenant, je le ferai officiellement lorsque le Conseil européen aura pris une décision. Nous pensons qu’il s’agit d’un processus très important et nous suivons les développements de très près. Nous espérons et souhaitons à la Géorgie tout le succès possible dans cette voie.

Malheureusement, comme l’a dit le Premier ministre Gharibashvili, il y a de nombreux conflits dans le monde, et notre tâche commune est de continuer à travailler pour résoudre tous les conflits, tout en sachant que ce n’est pas une chose facile. Si c’était facile, les problèmes auraient été résolus depuis longtemps. Malheureusement, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où nous avons la responsabilité personnelle et politique d’aborder le conflit et de faire de notre mieux pour y parvenir.

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