Interviews et conférences de presse

Notre objectif est que la communauté internationale reconnaisse l'indépendance du Haut-Karabakh: Interview du Premier ministre à l'agence de presse «Interfax»

22.10.2020

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a accordé une interview à l'agence de presse russe Interfax, qui est presentée ci-dessous:

Interfax- Merci pour l'interview. Commençons par la première question. Monsieur le Premier ministre, hier vous avez dit qu'au moins à ce stade, la question du Karabakh n'a pas de solution diplomatique. Que signifie cette déclaration?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Les accords de cessez-le-feu dans la zone de conflit ont été violés au moins deux fois. Bien sûr, l'Azerbaïdjan en blâme la partie arménienne, affirmant que nous avons violé l'accord. Mais nous savons où est la vérité. Une solution diplomatique signifie un compromis. Le problème est que l'histoire de l'ensemble du processus de négociation, et en particulier l'histoire du processus de négociation de ces dernières années, a montré que si l'Arménie déclare que tel ou tel compromis est acceptable pour elle, ce qui, semble-t-il, était auparavant également acceptable pour l'Azerbaïdjan, pour lui, ce compromis devient immédiatement inacceptable. Au moment où l’Arménie se déclare prête à trouver un compromis, l’Azerbaïdjan exige davantage. Et cela dure depuis 9 ans ou même plus. Et c'est ce que je veux dire: tant que cette position de l'Azerbaïdjan ne change pas, il est irréaliste de parler d'une solution diplomatique. Mais un travail diplomatique est nécessaire pour changer cette position de l'Azerbaïdjan. Et j'apprécie beaucoup les efforts des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE et, en particulier, de la Russie.

Interfax - Donc, à ce stade, nous pouvons affirmer que le travail diplomatique se poursuit et se poursuivra?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Oui, bien sûr. Nous devons trouver rapidement des solutions. Mais à l'heure, surtout après deux accords ratés, je parle de l'accord de Moscou, puis l'accord initié par le Président français, alors que tout semblait d'accord, je ne pense pas qu'une solution diplomatique rapide soit réaliste. Mais cela ne veut pas dire que je n'en veux pas, je ne suis pas prêt à faire tous les efforts nécessaires. C'est mon évaluation objective de la position de l'Azerbaïdjan. De plus, ce n'est pas tant la position de l'Azerbaïdjan, , je pense que c'est plutôt la position de la Turquie, qui se reflète dans la position de l'Azerbaïdjan.

Interfax - Hier, le chef du ministère des Affaires étrangères arménien était à Moscou. Y a-t-il de nouveaux accords suite à la visite? Et demain, Mnatsakanyan rencontrera le secrétaire d'État américain Mike Pompeo. Quelles sont les attentes?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Il n'y a pas d'accords concrets. Le travail diplomatique se poursuit et se poursuivra. L'Arménie était prête et sera prête pour les décisions de compromis.

Interfax - Pour quelles concessions êtes-vous prêt, pouvons-nous parler de céder de sept régions à l'Azerbaïdjan ou de retirer des forces armées arméniennes de la zone de sécurité autour du Haut-Karabakh?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Maintenant, lorsque des actions militaires sont en cours, il est très inapproprié de discuter de ces questions. Les forces d'autodéfense du Haut-Karabakh sont dans les tranchées et actuellement les forces des groupes terroristes, qui ont été transférés en Azerbaïdjan par la Turquie, les mercenaires, attaquent les positions des forces d'autodéfense du Haut-Karabakh. Comprenez-vous la situation des personnes qui y combattent, non contre l’Azerbaïdjan, c’est-à-dire non contre l’armée azerbaïdjanaise, mais contre les terroristes? Et dans cette situation, pouvez-vous imaginer leur réaction lorsque je dis maintenant que nous sommes prêts à faire un compromis avec ces terroristes? J'ai dit que nous sommes prêts à faire un compromis avec l'Azerbaïdjan.

La question du statut du Haut-Karabakh est une question très importante pour nous. Mais maintenant, tout ce processus est sorti du contexte du problème du Haut-Karabakh. La première chose que nous devons faire est de ramener le processus aux rails des négociations sur le Haut-Karabakh.

La présence de terroristes aura des conséquences concrètes non seulement pour notre région, mais aussi pour les pays proches de notre région. Malheureusement, bien que les pays de la région aient directement et officiellement reconnu la présence de groupes terroristes dans la zone du conflit du Karabakh, mais ils n’ont pas encore pris de mesures antiterroristes concrètes. C'est le point principal, le principal obstacle qui nous empêche de parvenir à une solution diplomatique.

On doit d'abord résoudre le problème des terroristes. Parce que s'ils réussissent ici, ils continueront de se diriger vers le sud et le nord. Parce que c'est leur activité professionnelle - terroriser, déstabiliser, et pour eux il n'y a pas de grande différence où le faire.

Interfax - Vous avez dit – « résoudre le problème des terroristes ». Comment? On voit que seules les déclarations et réactions des différents pays ne semblent pas avoir de tournant.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Oui. Par exemple, mener une opération antiterroriste. Ceci est une option.

Interfax - Par les forces du côté arménien?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Non. Les forces du Haut-Karabakh le font autant que possible. Aujourd'hui, ils combattent sur trois fronts - contre l'armée azerbaïdjanaise, contre l'armée turque et contre les terroristes. Mais je pense que cette question n’est pas seulement pour moi, parce que nous résistons, bien entendu, les actions antiterroristes autant que possible. Je pense que les pays pour la sécurité nationale desquels cette situation pose des menaces concrets, devraient intervenir.

Interfax - Pouvons-nous dire la Russie et l'Iran sont parmi ces pays? Et avez-vous eu un tel dialogue avec eux?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Bien sûr, tout d'abord les intérêts de la Russie sont principalement affectés. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que pendant la guerre au Haut-Karabakh, il y a eu au moins deux cas où des opérations antiterroristes ont été menées dans le Caucase du Nord. Les responsables russes ont déclaré que les terroristes venaient de Syrie. Auparavant, le service russe de renseignement extérieur avait déclaré que des terroristes étaient présents dans la zone de conflit. Et ces deux déclarations ne peuvent qu'être liées l'une à l'autre. La question est: les services russes vont-ils attendre l’arrivée de ces terroristes ou est-il nécessaire de mener une politique préventive? Si les terroristes réussissent au Haut-Karabakh, ils chercheront une nouvelle plate-forme d’action. C'est à la Fédération de Russie de décider. Mais sur ces questions, nous avons eu des consultations avec nos homologues russes et nous avons exprimé notre point de vue.

Interfax - Ai-je bien compris que des mesures préventives peuvent être menées à la fois sur le territoire du Haut-Karabakh et de l'Azerbaïdjan? Cela peut-il être considéré comme une invitation de votre part à une troisième force pour intervenir dans ce conflit?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Il est nécessaire de préciser ce que signifie la troisième force. D'une part, la Russie est le coprésident du Groupe de Minsk de l'OSCE, d'autre part, c’est un allié stratégique de l'Arménie, et le président russe a déclaré que la Fédération de Russie serait fidèle à ses engagements dans le domaine de la sécurité dans les relations avec l'Arménie. C'est déjà une question qui a besoin d’une surveillance plus approfondie. Il y a de nombreuses nuances ici. Je dis que la situation au Haut-Karabakh dépasse depuis longtemps le cadre du problème du Karabakh, et en fait, de nombreux partenaires étrangers l'ont officiellement reconnu, déclaré et je pense et j'espère que la réponse sera également dans le même esprit.

Interfax - Aujourd'hui, le président de l'Azerbaïdjan a déclaré qu'il n'était pas contre le déploiement de soldats de la paix dans la région, mais qu'il exposerait ses propres conditions. J'aimerais connaître votre opinion sur l'éventuel déploiement de soldats de la paix. Les contingents de quels pays peuvent faire partie de la force de maintien de la paix, sous la direction de qui?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Le déploiement de forces de maintien de la paix est acceptable pour nous. Je peux dire que les vues de l'Azerbaïdjan sur la composition des soldats de la paix ne coïncideront pas avec les vues de l'Arménie sur cette question. Si nous parlons de compromis, la présence de soldats de la paix russes peut également devenir une version de compromis. La Fédération de Russie entretient de bonnes relations avec l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Il est très important de tenir compte du point de vue d’autres pays de la région, il est important que des forces de maintien de la paix stabilisent la région, et non l’inverse.

Interfax - Aliyev a également déclaré qu'il ne peut y avoir de référendum au Haut-Karabakh, mais n'a pas exclu la possibilité d'une autonomie culturelle. Votre commentaire.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Il n'y a rien de nouveau dans cette position. C'est une position qui se fait entendre depuis 15 à 20 ans. C'est inacceptable pour nous. Le droit à l'autodétermination du peuple du Haut-Karabakh doit être protégé et respecté.

Interfax - Êtes-vous prêt pour une réunion avec le président de l'Azerbaïdjan, des préparatifs sont-ils en cours et avez-vous reçu une invitation?

Premier ministre Nikol Pashinyan -Il n'y avait pas d'invitation officielle, mais j'ai compris qu'Aliyev et moi-même avons confirmé notre volonté de nous rencontrer et d'essayer de trouver une solution diplomatique à cette situation. Bien sûr, je suis prêt, mais il faut qu'il y ait des conditions préalables à l’efficacité de cette réunion.

Interfax - Où la réunion peut-elle avoir lieu?

Premier ministre Nikol Pashinyan - À Moscou.

Interfax - À quelles conditions? Du point de vue d'Erevan, que signifient les négociations de fond?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Cela signifie une solution finale au problème du Haut-Karabakh.

Interfax - Est-ce l'indépendance du Haut-Karabakh ou l'unification à l'Arménie?

Premier ministre Nikol Pashinyan- Il s'agit du respect du droit et de la protection du droit à l'autodétermination du peuple du Haut-Karabakh.

Interfax - Pensez-vous qu'il soit possible de changer le format des négociations? La participation de la Turquie au processus de négociation est-elle possible, sur laquelle Bakou insiste?

Premier ministre Nikol Pashinyan - C'est une position étrange, car une déclaration a été adoptée à Moscou par les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan et il y était précisement indiqué que le format de la coprésidence du Groupe de l'OSCE à Minsk ne changerait pas. Les négociations devraient se poursuivre dans ce format. Je dis que l'Azerbaïdjan change de position à chaque fois. À Moscou, cette question a été approuvée par une déclaration commune, mais deux jours plus tard, l'Azerbaïdjan a de nouveau déclaré que la Turquie devait en être le coprésident. Il semblerait que le problème a été résolu, il y a eu une déclaration, le problème a été résolu, mais il est en train de rouvrir. Comment ces travaux peuvent-ils être fructueux dans cette situation, si à chaque minute l’Azerbaïdjan change les positions et les questions déjà convenues.

Interfax - Pensez-vous que la réconciliation arméno-turque est possible ou tout est-il déjà perdu?

Premier ministre Nikol Pashinyan- Nous avons toujours dit que l’Arménie était prête à établir des relations diplomatiques sans aucune conditions préalables. Bien sûr, ces événements et la guerre ajoutent des tensions aux relations, mais comme dans le cas de l'Azerbaïdjan, nous sommes prêts pour des discussions diplomatiques, et dans le cas de la Turquie.

Interfax - La Turquie est membre de l'OTAN et soutient activement l'Azerbaïdjan. L'escalade du conflit pourrait-elle conduire à une confrontation entre la Russie et l'OTAN?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je ne pense pas que cela soit possible, car il est évident que la Turquie participe ici non pas en tant que représentant de l'OTAN, mais en tant que pays qui joue un rôle déstabilisateur non seulement dans le Caucase du Sud, mais aussi avec les pays membres de l'OTAN. Par exemple, la Grèce. La Grèce est membre de l'OTAN, mais la Turquie prend des mesures qui ajoutent et créent des tensions avec la Grèce.

Interfax - Pensez-vous que la Russie pourrait convaincre la Turquie de ne pas s'immiscer dans le conflit du Karabakh? Avez-vous discuté de cette question avec Vladimir Poutine?

Premier ministre Nikol Pashinyan:- Les représentants russes ont exprimé à plusieurs reprises leur position sur cette question. Dans quelle mesure ces actions et la position de la Fédération de Russie seront-ils convaincants est une autre question?. J'ai déjà dit que cette situation dépassait le cadre du seul problème du Karabakh. C'est un problème plus large. Et cela concerne non seulement les relations de l'Arménie avec la Russie, l'Azerbaïdjan et la Turquie, mais aussi les relations entre la Russie et la Turquie, en particulier, dans notre région. Beaucoup de choses sont décidées ici, et en fonction des décisions et du type de situation à laquelle nous en arriverons, cela aura des conséquences concrètes non seulement pour les pays du Caucase du Sud, mais aussi pour d’autres pays. Ces pays doivent accepter la situation de ce point de vue. Il est nécessaire de prendre en compte les conséquences potentielles qui se produiront inévitablement et il est nécessaire que des mesures concrètes soient prises pour suspendre ou prévenir ces conséquences négatives qui semblent inévitables, si les processus se déroulent selon des scénarios négatifs.

Interfax - En cas d'escalade des hostilités et de leur transfert sur toute la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, allez-vous vous adresser à l'OTSC et à la Russie?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous avons déjà informé nos collègues de l'OTSC de la situation actuelle. La Russie a déclaré que Moscou respecterait ses obligations contractuelles envers l'Arménie dans le domaine de la sécurité. Si la situation évolue ainsi, bien sûr, l'Arménie se adressera vers l'OTSC pour ce problème, ou peut-être directement à la Russie.

Interfax - La dernière étape, après laquelle il n'y aura pas de retour aux négociations, sera la reconnaissance de l'indépendance du Haut-Karabakh par l'Arménie. Quand viendra la ligne rouge, après quoi vous le ferez? Et, à propos, hier, le vice-président de la Turquie Fuat Oktay a déclaré que son pays enverrait des troupes au Haut-Karabakh si l'Azerbaïdjan leur demandait officiellement de l'aide.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Ils ont déjà envoyé leurs troupes. Ce n'est qu'une question de formalités formelles et informelles. Et la déclaration de Fuat Oktay est la réponse de la Turquie aux discussions sur la présence de soldats de la paix russes dans cette région.

L’Arménie n’a pas pour objectif d’être le seul pays à avoir reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh. Notre objectif est que la communauté internationale reconnaisse l'indépendance du Haut-Karabakh.

Interfax - Les anciens présidents de l'Arménie et du Haut-Karabakh ont tenu des réunions actives sur la question du Karabakh ces derniers jours. Êtes-vous en quelque sorte impliqué dans ce processus?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je suis informé du contenu de ces réunions. Les deuxième et troisième présidents du Haut-Karabakh m'ont contacté et m'ont informé des objectifs des discussions.

Interfax - Trouvez-vous ces réunions utiles?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je ne les considère pas nuisibles.

Interfax - En bref, où est la clé du règlement du conflit du Haut-Karabakh?

Premier ministre Nikol Pashinyan - La clé du règlement est dans le compromis, dans une implication plus active des coprésidents du groupe de l'OSCE à Minsk, en particulier la Russie.

Interfax - Comment la guerre a-t-elle affecté l'économie?

Premier ministre Nikol Pashinyan - La guerre n'a jamais un effet positif sur l'économie. Cela a un effet négatif.

Interfax - Depuis janvier 2021, l'Arménie interdira l'importation de marchandises en provenance de Turquie pendant six mois. Selon la liste publiée, il existe un grand nombre de noms de divers produits. Quel impact négatif cela aura-t-il sur l'économie arménienne?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Nous espérons que cela aura un impact positif. C'est une décision politique importante. Notre économie doit répondre aux politiques destructrices de la Turquie.

Interfax - Attendez-vous une aide de la Russie, sinon militaire, alors en termes financiers? La Russie peut-elle apporter une aide, un prêt ou fixer des prix préférentiels de l'énergie? Dans la perspective de cette dernière flambée, vous avez négocié une réduction des prix du gaz. Ces questions ont-elles été discutées avec le Premier ministre russe lors de sa visite à Erevan?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Bien sûr, nous avons discuté des questions économiques. Nous avons besoin maintenant du soutien de la Russie et je suis convaincu que la Russie continuera à nous soutenir dans la mesure du possible.

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