Interviews et conférences de presse

Nikol Pashinyan et Kristen Michal résument les résultats des discussions et répondent aux questions des représentants des médias

28.04.2025

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Une conférence de presse conjointe s'est tenue à l'issue de la rencontre entre le Premier ministre de la République d'Arménie, Nikol Pashinyan, et le Premier ministre de la République d'Estonie, Kristen Michal. Les Premiers ministres des deux pays ont fait des déclarations à la presse, puis ont répondu aux questions des représentants des médias. La conférence de presse conjointe est présentée ci-dessous.

Kristen Michal, Premier ministre estonien - Cher Nikol, c'est un grand honneur pour moi de vous accueillir à Tallinn avec votre délégation. J'espère, et le peuple estonien aussi, que vous avez apporté avec vous la chaleur du printemps arménien. Je vous remercie pour ce dialogue, que l'on peut qualifier de chaleureux. Je pense qu'il se poursuivra au cours du dîner.

La coopération entre nos pays s'approfondit, je salue ce fait, une coopération plus étroite dans différents domaines, des priorités plus claires nous mèneront loin. En décembre de l'année dernière, en Estonie, nous avons atteint le point où tous nos services publics sont 100 % numériques. Nous continuerons à travailler dans cette direction afin de réduire la bureaucratie. Nous sommes honorés que l'expérience de l'Estonie contribue à façonner l'État numérique arménien tourné vers l'avenir. Par exemple, la société estonienne Proud Engineers soutient la mise en œuvre d'un projet qui permettra l'échange de données entre les autorités fiscales et les banques arméniennes.

Nous coopérons également dans le domaine de l'éducation, de la formation des enseignants et des innovations pédagogiques. L'Estonie a lancé une initiative visant à introduire l'intelligence artificielle dans les écoles afin de mieux préparer nos jeunes à l'évolution rapide du marché du travail. Le Centre estonien de coopération au développement contribue également à la diversification de l'économie arménienne. Nous sommes prêts à partager notre expérience en matière de diplomatie des affaires. Notre secteur privé aide déjà les PME arméniennes à améliorer leurs capacités d'exportation.

D'importantes réformes sont mises en œuvre en Arménie, vous avez clairement choisi une voie qui implique des relations plus étroites avec l'Union européenne. L'Estonie vous soutient dans ce domaine, nous vous encourageons, et les réformes apporteront des avantages tangibles, tout d'abord à votre peuple. Notre expérience de 20 ans le prouve. Nous avons également soutenu activement l'expansion des mécanismes d'assistance de l'UE à l'Arménie, le lancement d'un dialogue sur la libéralisation des visas, et nous espérons progresser dans le cadre du nouveau programme de partenariat.

La paix dans le Caucase du Sud est très importante pour l'Estonie et l'Union européenne, et je suis heureux que l'Arménie et l'Azerbaïdjan aient pu se mettre d'accord sur le texte de l'accord de paix, et dans ce domaine, Monsieur le Premier ministre, votre participation a été très importante. J'espère que l'accord sera bientôt signé.

Enfin, nous devrions tous nous efforcer de soutenir encore davantage l'Ukraine, car les attaques destructrices de la Russie montrent que nous devons soutenir mieux et de manière plus décisive l'Ukraine et l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Je vous remercie pour votre attention.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Cher Monsieur le Premier ministre, cher Kristen, c'est un grand honneur pour moi et ma délégation d'être à Tallinn aujourd'hui pour donner un nouvel élan aux relations entre nos pays. J'attache une grande importance au développement continu des relations avec la République d'Estonie sur la base des valeurs universelles et démocratiques, et j'apprécie hautement le soutien continu apporté par le gouvernement de la République d'Estonie aux réformes démocratiques mises en œuvre en République d'Arménie, que vous avez également mentionnées. L'expérience estonienne dans la mise en place d'institutions démocratiques, en particulier l'utilisation massive de solutions numériques et d'outils de gouvernance électronique, est exemplaire pour l'Arménie, et nous sommes, bien sûr, très intéressés par l'approfondissement de notre coopération à cet égard.

Ces dernières années, les visites mutuelles de haut niveau ont porté le dialogue politique entre nos deux pays amis à un niveau supérieur. Permettez-moi d'exprimer ma confiance dans le fait que, grâce à des efforts conjoints, nous pouvons encore approfondir la coopération existante. Je suis heureux que nous ayons eu aujourd'hui l'occasion de tenir des discussions productives sur des questions liées à la coopération actuelle entre l'Arménie et l'Estonie dans divers domaines, ainsi que d'esquisser d'autres directions prometteuses de coopération.

Nous sommes particulièrement intéressés par l'approfondissement de la coopération dans les domaines de l'éducation, de la science, de l'information et des technologies innovantes. Je suis persuadé que les accords conclus au cours de la visite conféreront une nouvelle qualité aux relations bilatérales. Outre la coopération bilatérale, nous avons abordé la coopération entre l'Arménie et l'Estonie au niveau multilatéral, ainsi que le programme de partenariat entre l'Arménie et l'Union européenne.

J'ai présenté à mon homologue estonien les derniers développements de l'agenda Arménie-UE, les aspirations européennes des citoyens arméniens, en espérant le soutien politique officiel de Tallinn sur le difficile et long chemin vers l'Union européenne, et je suis reconnaissant de la volonté manifestée. Dans ce contexte, j'attache une grande importance à l'approfondissement de la coopération entre l'Arménie et les pays nordiques et baltes (NB8) et je suis convaincu que la coopération dans le cadre du format sera efficace pour les réformes démocratiques en cours en Arménie et le processus d'intégration européenne. Je suis convaincu que la coopération entre les pays participant à ce format et l'Arménie sera continue.

Bien sûr, aujourd'hui, lors de la discussion avec le Premier ministre estonien, ainsi que dans le format élargi, nous avons abordé les derniers développements géopolitiques et régionaux. À cet égard, je voudrais souligner une fois de plus que la République d'Arménie est fermement résolue à instaurer une paix durable dans notre région. Nous sommes déterminés à prendre notre part des mesures nécessaires sur cette voie, à assumer notre part de responsabilité et à résoudre les problèmes existants avec nos voisins par le biais d'un dialogue et de négociations constructifs. Dans ce contexte, j'ai présenté les derniers développements liés au processus de paix dans le Caucase du Sud et notre espoir que l'agenda de paix de l'Arménie donnera finalement des résultats tangibles.

J'ai remercié mon collègue d'avoir salué l'accord final sur le texte de l'accord « Sur l'établissement de la paix et des relations interétatiques entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan » par l'Estonie et j'ai réaffirmé ma volonté de signer le texte déjà convenu, notant également que je considère qu'il est possible de signer une demande conjointe avec l'Azerbaïdjan sur la dissolution des structures du Groupe de Minsk de l'OSCE en même temps que l'accord de paix.

Chers invités,
Cher Monsieur le Premier Ministre,

En conclusion, permettez-moi une fois de plus d'exprimer ma gratitude pour les échanges importants que nous avons eus ainsi que pour l'accueil chaleureux réservé à notre délégation. J'attends avec plaisir notre prochaine rencontre, que j'espère voir se tenir dans la capitale de l'Arménie, Erevan.

Question – Ma question s'adresse à M. Pashinyan. Il y a quelques années, les gens sont descendus dans les rues à Erevan. Une révolution qui vous a porté au pouvoir. J’étais moi aussi présent à l’époque, dans la rue ; nous nous sommes brièvement rencontrés et avons réalisé une interview.
Aujourd’hui, la situation est telle que le Haut-Karabakh n'est plus sous le contrôle de l'Arménie, mais vous continuez à occuper le poste de Premier ministre, ce qui est impressionnant. Par ailleurs, dans vos relations avec Moscou, vous n'avez plus besoin d’être aussi prudent dans le choix de vos mots.

Êtes-vous prêt à sortir complètement de la sphère d'influence russe ? Et comment envisagez-vous l'avenir de vos relations avec la Russie ?

Premier ministre Nikol Pashinyan – Merci pour votre question. Je pense qu’en général, dans les relations internationales, dans toute relation, et en diplomatie, il est toujours correct de choisir ses mots avec soin, car toute relation peut se détériorer si l'on n'est pas attentif au choix des mots.

Quant à nos relations avec la Fédération de Russie, elles sont fondées et doivent être fondées sur des intérêts mutuels. Nous avons, si vous le savez, adopté une politique étrangère équilibrée et de recherche d'équilibres, ce qui signifie que nous ne concevons pas et ne construisons pas notre politique étrangère dans une seule direction, mais nous essayons de trouver et de bâtir les justes équilibres dans notre politique étrangère.

L’une des expressions de cela est également la loi récemment adoptée en République d’Arménie, qui lance le processus d’adhésion de la République d’Arménie à l’Union européenne.

Et je tiens à dire qu’au cours des discussions avec le Premier ministre, j’ai souligné que nous considérons cette loi comme une incitation supplémentaire à nos réformes démocratiques, car, de toute façon, nous suivons une stratégie de réformes démocratiques, et il est très important que cette stratégie bénéficie d’incitations supplémentaires. Cette loi en est l’une.

Mais d’un autre côté, je veux être très clair, car parfois, certaines interprétations faites en Arménie ne reflètent pas correctement, selon moi, la réalité. Nous n’avons absolument aucune intention de détériorer, rompre ou compromettre nos relations avec la Russie. Nous souhaitons, comme il est logique, entretenir de bonnes relations avec tous nos partenaires internationaux. Qui plus est, nous voulons normaliser nos relations avec les pays de notre région : nous voulons normaliser nos relations avec l’Azerbaïdjan, avec la Turquie, améliorer nos relations avec nos autres voisins – la Géorgie, la République islamique d’Iran – et bien entendu, nous souhaitons approfondir nos relations avec l’Union européenne.

Si nous regardons les développements récents dans les relations entre l’Arménie et l’Union européenne, ce qui paraissait autrefois irréaliste et impossible il y a quelques années est aujourd’hui une réalité. L’Union européenne a aujourd’hui une mission civile d’observation en Arménie, et je remercie l’Union européenne pour cela, ainsi que l’Estonie pour son soutien à cette décision.

Nous avons entamé des négociations sur la libéralisation des visas, que nous espérons voir aboutir dans des délais raisonnables. L’année dernière, l’Union européenne a décidé d’accorder une aide à l’Arménie dans le cadre de l’Instrument de soutien à la paix, ce qui, à mon avis, est également une décision très importante. Bien sûr, en termes matériels et concrets, cette décision reste symbolique, mais elle a une signification politique considérable. C’est aussi l’un des résultats importants de notre politique étrangère équilibrée et d’équilibrage. Naturellement, nous espérons également approfondir nos relations économiques et commerciales avec l’Union européenne, car nous pensons que le dialogue politique devient plus efficace et tangible lorsqu’il est accompagné de résultats économiques concrets.

Question - L’Estonie a été un fervent soutien du Partenariat oriental de l’Union européenne.

Comment l’Estonie évalue-t-elle aujourd’hui le chemin que prend l’Arménie vers une intégration plus approfondie avec l’Union européenne ? Et quelles propositions concrètes l’Estonie peut-elle offrir pour soutenir les réformes démocratiques en Arménie et l’alignement sur les standards européens ? Merci.

Kristen Michal – Merci pour la question. C’est la deuxième fois que je rencontre mon homologue arménien. Nous avons déjà discuté de ces réformes par le passé, et je suis vraiment heureux de constater que vous avez adopté une approche philosophique, à savoir que les réformes visent à améliorer la vie du peuple arménien. Autrement dit, ce ne sont pas des réformes pour les réformes, mais des réformes pour améliorer la qualité de vie du peuple arménien.

Ainsi, dans le cadre de ces réformes, le renforcement des relations avec l’Union européenne peut être un moteur très important. Si l’on observe ce qui s’est déjà produit, les mesures prises pour s’affranchir de l’influence russe, les décisions prises en matière de défense des frontières - ce choix réfléchi de resserrer encore davantage les liens avec l’Europe - ce sont là, selon moi, des choix fondamentaux, et comme l’a décrit M. le Premier ministre, ce processus bénéficie d’un large soutien au sein du peuple arménien.

Et que peut faire l’Estonie? Nous pouvons aider, notamment en partageant notre expérience dans le domaine de l’État numérique. En Estonie, les citoyens sont parfois impatients : ils veulent que tout fonctionne plus vite, que les ordinateurs soient plus rapides, mais nous avons accompli des réformes essentielles dans le domaine numérique. Nous avons introduit des solutions de carte d'identité électronique, rendant la gouvernance plus efficace, plus transparente, et simplifiant considérablement les activités économiques. Il n’est plus nécessaire de remplir et d’écrire des formulaires sur papier, etc. Nous avons aussi mis en œuvre des réformes importantes dans le secteur de la justice, ainsi que dans bien d'autres domaines.

L’Estonie, bien entendu, a adhéré à l’Union européenne et c’est pourquoi nous avons une expérience et une histoire intéressantes à partager. Il arrive que nous voyions des pays ou des gens entreprendre des actions uniquement pour faire quelque chose. Mais le Premier ministre d’Arménie nous a expliqué que les réformes ont pour but d’améliorer la vie des citoyens. Je soutiens pleinement cette approche et ces processus.

Question – Selon vous, combien de temps peut durer cette situation où vous sollicitez une adhésion à l’Union européenne tout en assistant aux parades militaires à Moscou ? Et selon vous, qu’est-ce qui empêche la signature d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan ?

Nikol Pashinyan – Vous savez, je l’ai déjà dit : nous ne poursuivons pas l’objectif de détériorer nos relations dans une direction quelconque.C’est une nuance très importante, car il peut théoriquement exister deux approches : approfondir ses relations dans une direction et détériorer celles dans une autre. Mais nous ne sommes pas partisans de cette approche.

Notre vision, c’est d’utiliser pleinement notre souveraineté pour approfondir nos relations dans toutes les directions où cela est nécessaire, là où les relations ne sont pas encore assez profondes.

Les relations entre l’Arménie et l’Union européenne sont précisément de cet ordre. Bien entendu, il est évident exister des situations où nos relations extérieures, selon les directions, peuvent rencontrer des tensions ou des chevauchements. Et nous envisageons la gestion de ces situations avec transparence, honnêteté, et ouverture envers tous nos partenaires, afin que nos intentions et nos approches soient bien comprises, pour éviter les zones d’ombre quant à nos politiques, leurs raisons ou leurs justifications.

Quant à la signature d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan, je peux dire que notre gouvernement, et moi-même personnellement, travaillons sur cette question quotidiennement. Comme je l’ai déjà mentionné, nous sommes déterminés et cohérents à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour parvenir à cet objectif, avec patience et persévérance. Ainsi, pour répondre directement à votre question : nous poursuivrons cette stratégie jusqu’à ce que l’objectif - c’est-à-dire la signature du traité de paix -soit atteint, et que la paix soit instaurée. Quelle que soit la source ou l’information selon laquelle le Gouvernement arménien s’écarterait de cette stratégie, sachez que cette information ne correspond pas à la réalité.

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