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"Le pouvoir souverain ne peut pas changer en Arménie car il appartient au peuple depuis 2018" - Discours final de Nikol Pashinyan à l'Assemblée nationale

03.05.2021


Je vous remercie tout d'abord pour vos propositions constructives. Nous avions convenu que la discussion d'aujourd'hui serait de nature technique, mais des idées ont été exprimées ici, qui, si elles sont négligées, pourraient tout simplement donner une fausse impression, par conséquent, je voudrais aborder un certain nombre de questions soulevées par nos collègues.

La première concerne le système de sécurité de l'Arménie. Le système de sécurité extérieure de la République d'Arménie n'a pas changé avant la guerre et au lendemain de celle-ci, notre système de sécurité était soutenu par un corps militaire conjoint arméno-russe et le système de défense aérienne conjoint dans la région du Caucase. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire à cette tribune que tous ceux qui affirment que certaines décisions ont déclenché de nouvelles menaces pour la sécurité, par exemple à Syunik, n'ont tout simplement pas évalué la situation en profondeur. Nous pouvons tout simplement constater le contraire dans la pratique. La protection des frontières de la République d'Arménie est désormais assurée par le groupe militaire conjoint arméno-russe, comme c'était le cas avant la guerre. Mais cela ne signifie pas que tout avant-poste militaire est censé avoir des positions ou des postes de combat conjoints. Il existe un accord en la matière.

Une question a été posée sur la sécurité de Syunik, sur la base militaire russe 102. Ce n'est un secret pour personne que la 102e base militaire dispose désormais de deux nouvelles places fortes dans la région de Syunik en Arménie, qui offrent des garanties supplémentaires pour la sécurité de Syunik et de l'Arménie en général. Il s'agit d'un bilan très solide.

Comme je l'ai déjà dit, le fait est que notre système de sécurité s'est rapproché des frontières de la République d'Arménie. La description de ces frontières a été donnée par l'Assemblée nationale avec la loi sur la division administrative-territoriale, adoptée dès 2010. Certaines personnes dans cette salle demandent pourquoi la frontière arménienne est juste là, ou pourquoi l'Azerbaïdjan vient après Shurnukh. Ces personnes s'efforcent maintenant d'obtenir une place dans la liste proportionnelle de ceux qui ont décrit la frontière de cette façon. Quelqu'un peut-il m'expliquer cette logique ?

Une question très importante a été soulevée, à savoir que nous devrions capitaliser des résultats de la révolution de velours dans les négociations sur la question du Karabakh. Voyons si cela a été possible et dans quelle mesure. Il existe une illusion commune, parfois même exprimée par des personnes expérimentées. Par exemple, on croit que ceux qui adoptent une approche constructive ne sont généralement pas soumis à des pressions dans le processus de négociation, alors que ceux qui adoptent une approche destructive sont soumis à des pressions.

Voyons si cela est vrai dans la pratique. En 2011, l'Azerbaïdjan a tout simplement refusé de signer un document convenu d'un commun accord à Kazan. Et que s'est-il passé ensuite ? Les événements suivants se sont produits : L'Azerbaïdjan a abattu un hélicoptère arménien en 2014, l'escalade frontalière a atteint un niveau sans précédent en 2015, l'Azerbaïdjan a déclenché une guerre en 2016. Et que s'est-il passé en conséquence ? Quelqu'un a-t-il fait pression sur l'Azerbaïdjan ? Nous avons été témoins du contraire, en fait. J'ai dit que la logique des négociations avait changé, ils ont dit que l'Azerbaïdjan avait raison, et nous pouvons commencer par cette logique et aller de l'avant. Après tout, nous devons comprendre les faits. Bon, il est clair que la guerre a éclaté le 27 septembre 2020, mais la guerre est-elle tombée du ciel d'un seul coup ? Que s'est-il passé en avril 2016 et avant cela ? Comme je l'ai dit dans mes remarques précédentes, nous disions depuis de nombreuses années que laisser le Haut-Karabagh en dehors du processus de négociation entraînerait des conséquences irréversibles. On en parle depuis 20 ans : la partie arménienne a laissé le Karabagh en dehors du processus de négociation au nom du pouvoir politique ? Oui, à cette époque, l'Arménie aurait pu dire que je ne négocierai pas sans le Karabakh et que rien ne se passerait. De plus, voyons ce qui a été convenu lors du Sommet de l'OSCE à Istanbul en 1999.

Faites attention au titre du document: "Charte de la sécurité européenne", qui a été adoptée par consensus. L'Arménie a participé à ce sommet au plus haut niveau et a voté en sa faveur. Qu'est-ce qui y est écrit ? Permettez-moi de citer : "Le plein respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités nationales, outre qu'il constitue une fin en soi, ne devrait pas être sapé, mais devrait au contraire renforcer l'intégrité territoriale et la souveraineté. Les différents concepts d'autonomie, ainsi que les autres approches décrites dans le document, qui sont conformes aux principes de l'OSCE, sont des mesures visant à protéger et à promouvoir les identités ethniques, linguistiques et religieuses des minorités nationales au sein d'un État existant."

L'Arménie a voté pour ce document en 1999. Mettons les choses à plat : vous laissez le Haut-Karabakh en dehors du processus de négociation, vous dites qu'il est normal que la communauté internationale considère les territoires libérés comme occupés, vous allez à Istanbul et votez pour la Charte de la sécurité européenne, qui comporte le paragraphe clé susmentionné. Qu'attendiez-vous alors ?

Que s'est-il passé après la Révolution ? Une chose simple s'est produite après la Révolution. Nous avons dit que nous n'allions pas reprendre le processus à partir du point qui, selon Serj Sargsyan, ne laissait aucune place à l'optimisme, puisque les attentes de l'Azerbaïdjan étaient inacceptables. Devions-nous aller dire que nous avions accepté ces conditions inacceptables afin d'éviter la guerre ? Avouons-le tout de même. Nous avons lutté désespérément contre tout cela. Nous n'avons pas abandonné, nous nous sommes battus. Nous ne nous sommes pas battus enfermés dans nos bureaux. Je ne comprends pas, quelqu'un peut-il m'expliquer - mille excuses - est-il normal que pour des raisons d'opportunité politique... J'ai dit que le nombre de victimes ... nous n'avons pas 5000 victimes. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi certains continuent à insister sur le fait que j'ai emmené 5.000- 7.000 personnes au massacre ? La guerre n'est pas passée à côté de ma famille. Mon fils était en première ligne, dans une section où nous avons subi le plus de pertes. Il y avait un homme à côté de mon fils, il est mort. Personne n'a pu décider que c'était lui qui devait être tué à ce moment-là... il avait un nom, et c'est un fait vérifiable.

Oui, nous nous sommes battus désespérément. Désolé, mais nous nous sommes juste battus aussi désespérément que le peuple arménien l'a fait autrefois à Avarayr, Sardarapat et des dizaines d'autres exemples de ce genre. Nous nous sommes battus car nous avons estimé qu'en tant que nation, en tant qu'État, nous devions lutter pour nos droits. Nous n'avons pas renoncé. Le processus de négociation était un pas en arrière par rapport à nos intérêts nationaux-étatiques... Que pouvions-nous faire d'autre ? Aurions-nous dû dire, oui, la population du Haut-Karabagh... Voyons combien d'Azerbaïdjanais vivaient dans le Haut-Karabagh après tout. Allez, laissez-les s'expliquer. La veille, cet homme a dit "la population du Haut-Karabagh". M'avez-vous entendu dire "la population du Haut-Karabagh" ? J'ai dit le peuple du Haut-Karabakh. Quelle est la différence? Le peuple représente une entité constitutionnelle qui a le droit d'exercer son pouvoir. Quelle est la population? Et il publie une autre lettre, disant, regardons et comprenons combien d'Azerbaïdjanais vivaient là-bas. Il dit que la question de Shushi n'a jamais été discutée. Tout le monde dit que non, cela n'a pas été discuté. Il semble que la population azerbaïdjanaise du Haut-Karabagh vivait sous les arbres ou dormait dans des voitures ?

Oui, nous nous sommes battus. Et je le répète, ma famille a participé à ce combat. Personne ne peut dire que j'ai fait plus pour la sécurité de mon fils que pour les dizaines de milliers d'autres enfants. Personne ne peut le dire. Le garçon qui se tenait côte à côte avec mon fils dans la même cellule de retranchement a été tué par l'explosion d'une grenade. C'était l'ami de mon fils qui s'était engagé comme volontaire comme mon fils juste parce que la loi applicable nous empêche de mobiliser les démobilisés pendant un an après la démobilisation, ce qui fait que nous ne pouvons pas mobiliser nos réserves les plus efficaces pendant une guerre. Qui a disposé les choses de cette façon ?

Nous avons combattu parce que nous sommes les descendants de Vardan Mamikonyan, nous sommes les descendants d'Aram Manukyan. Peut-être que notre erreur a été de ne pas prendre les pouvoirs d'Aram Manukyan.

On parle beaucoup de la justice. Je suis très critique à l'égard du système judiciaire, mais je voudrais maintenant dire quelque chose pour défendre le système judiciaire: nous insistons depuis des décennies pour qu'une personne qui vole des œufs ne soit pas gardée en détention pendant des années. En 2001, il y avait 7 428 personnes dans les prisons arméniennes. En 2021, il y a 1967 personnes dans les prisons. Il s'agit de personnes concrète avec des familles, des enfants derrière elles... Nous avons donné la liberté au peuple. La Révolution a considéré la justice, la justice sociale comme une priorité absolue. Le principe fondamental de la justice est le suivant : il vaut mieux que le criminel soit libre que l'innocent soit emprisonné. Mes collègues juristes m'ont corrigé en disant que le principe est qu'il vaut mieux que dix criminels restent en prison que qu'un innocent se retrouve en prison, car on ne peut pas rétablir le sort de son enfant.

Oui, vous avez raison, il y a beaucoup de criminels en liberté, mais aujourd'hui il n'y a pas un seul innocent dans les prisons d'Arménie. Nous avons tenu notre promesse. Et nous avons, oui, fait une révolution. Nous avons promis que nous n'allions pas recourir à la vendetta. Certains continuent d'insister sur l'établissement d'un gouvernement dictatorial en Arménie. Il ne peut pas y avoir de gouvernement dictatorial en Arménie, car en 2018, nous nous sommes dépouillés de l'opportunité d'entrer en dictature. On nous reproche plusieurs erreurs. On nous dit : "Vous avez échoué ici, vous avez échoué là." Nous nous sommes battus contre les échecs. L'un des intervenants ici a dit que la victoire était juste gaspillée...
Eh bien, pendant 30 ans, les formateurs ont pillé l'armée, construit des châteaux à Paris et à Rome, pourquoi n'avez-vous pas parlé alors ? Vous n'avez pas critiqué, mais vous devriez savoir que la journée de la liberté de la presse n'a pas été proclamée aujourd'hui, la journée de la liberté de la presse a été établie il y a longtemps. Entre-temps, vous avez dû demander aux autorités la permission de bénéficier de vos droits et libertés. Oui, nous vous avons donné la liberté, mais vous ne voulez pas de cette liberté, car la liberté implique une responsabilité.

Permettez-moi maintenant d'aborder un autre problème: on nous demande pourquoi nous n'avons pas dit la vérité au peuple pendant la guerre. Nous ne l'avons pas fait parce que cela signifiait épuiser la ressource de la résistance en général. C'est-à-dire ouvrir les cartes. D'autre part, nos adversaires se demandent pourquoi nous n'avons pas objecté au chef d'état-major général quand il disait des choses comme ça. En d'autres termes, ils disent que le Premier ministre devait s'engager dans un débat public avec son subordonné ? Après tout, n'avons-nous pas posé la même question cent fois, nous avons dit, les gens, nous devons décider si nous pouvons maintenir le statu quo ou non, ils ont dit, oui, nous allons le maintenir aussi dur que possible.

Et ils ont rapporté par écrit que nous pouvions arrêter et vaincre l'ennemi dans la direction opérationnelle est sur le principe du "pas de retour en arrière". Quelqu'un veut-il dire qu'avec de tels engagements, nous aurions dû aller dire, eh bien, les gens, nous abandonnons 7 régions, nous abandonnons la moitié du Karabagh ? Pourquoi devrions-nous dire cela, mais même si nous l'avions fait, ils auraient dû sortir ces papiers, disant qu'ils avaient signalé que nous étions capables de l'amener jusqu'à l'océan Pacifique, mais que le gouvernement incompétent et perfide a vendu nos terres.

Notre problème est que, oui, nous n'avons pas mis en place les bonnes institutions publiques dans le pays pendant 30 ans, nous avions l'habitude de distribuer des diplômes, mais nous n'avons pas réussi à construire des institutions publiques. Il nous a semblé qu'il y avait une institution établie, mais il s'est avéré qu'elle n'existait pas.

D'un autre côté, comprenons ce à quoi nous devons nous préparer après tout ? Nous devons nous préparer à la sécurité et à la stabilité régionales. Je le répète, la situation régionale doit changer, mais cela ne dépend pas uniquement de nous. Et oui, nous devons prendre note des processus mondiaux en cours. Par exemple, lorsque la Fédération de Russie, les États-Unis et la France font des déclarations que nous saluons, elles sont faites pour assurer la sécurité et la stabilité dans la région. Ces déclarations ne sont pas faites pour enflammer la région. Je ne suis pas censé dire une telle chose, mais je veux que nous sachions tous que les déclarations sont le résultat d'un travail commun.

Les anciens dirigeants arméniens nous accusent de fomenter la guerre. L'Arménie est accusée de frapper la population civile, après quoi l'Azerbaïdjan a riposté. En d'autres termes, ils veulent peut-être dire que Stepanakert n'a pas été bombardée, que Martakert n'a pas subi de bombardements, que Vardenis n'a pas été bombardée, que l'église de Ghazanchetsots n'a pas été visée. Et pourquoi ceux qui mentionnent Vardenis ne demandent-ils pas à leurs dirigeants politiques ce qu'il en est des civils tués à Vardenis dans les tout premiers jours de la guerre. Ils ne remarquent pas tout cela parce qu'ils pensent que "le pouvoir se déplace en Arménie". Ils se trompent tout simplement, car le pouvoir souverain ne peut pas changer en Arménie puisqu'il appartient au peuple depuis 2018. Veulent-ils vraiment dire que le peuple n'aura pas le pouvoir en Arménie ? Je l'exclus une fois pour toutes. Oubliez cela.

Et là, je voudrais saluer l'approche exprimée par la faction «Arménie lumineuse»: peu importe qui aura quel statut, le pouvoir ne changera pas en Arménie, car le pouvoir souverain appartient au peuple dans notre pays. Il est immuable, il ne peut être changé, et ces questions seront certainement posées. Nous ne voulons pas cacher que oui, la guerre nous a affaiblis, elle a affaibli la position du gouvernement en place, nous voulons nous tourner vers le peuple et récupérer nos pouvoirs. Et cette conversation doit avoir lieu.

À ce moment-là, notre équipe a décidé de ne pas révéler les détails du processus de négociation, car cela pourrait nuire aux intérêts de l'État arménien. Qu'en est-il des intérêts de l'État ? Beaucoup vont maintenant dessiner des cartes, indiquant où s'infiltrer. Ils ne pensent pas à Vardenis, ils pensent à autre chose. En fait, c'était un peu déplacé, mais je devais répondre à ces questions.

Merci, à la semaine prochaine.

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